Pourquoi payer sa thérapie est un acte thérapeutique en soi
- DAVID MASSAL
- 7 juin
- 5 min de lecture

Consultations remboursées, séances à tarif réduit, prise en charge mutuelle… Le rapport à l’argent en psychothérapie soulève de nombreuses questions. Et pourtant, dans un monde où la santé mentale est de plus en plus médiée par des logiques de gratuité, de remboursement ou de “consommation rapide du soin”, il est essentiel de rappeler ceci : payer sa thérapie, c’est déjà commencer à se soigner. C’est un acte à la fois symbolique, éthique et transformationnel.
Le soin psychique n’est pas un produit
Dans une société de plus en plus technologique, où l’accès aux “soins” peut se faire par un clic, une application ou un chatbot thérapeutique, la psychothérapie risque d’être confondue avec une prestation à consommer comme une autre.
Mais une thérapie ne s’achète pas comme un abonnement. Elle s’engage.
L’argent, dans ce contexte, n’est pas un simple échange marchand : il représente un investissement réel dans un processus de changement. Payer son psy, c’est s’impliquer. C’est dire, chaque semaine : “je suis prêt à prendre ce temps pour moi, à m’engager, à travailler ce qui me fait souffrir, même si ce n’est ni confortable ni immédiat.”
La prise en charge mutuelle : un piège invisible
Bien sûr, l’accès aux soins doit rester un droit. Et les dispositifs de remboursement par la Sécurité sociale ou les mutuelles peuvent être nécessaires pour certaines personnes. Mais lorsque la prise en charge devient totale, ou que le patient n’a aucun contact avec le coût réel de son suivi, un glissement se produit : la thérapie perd de sa valeur symbolique.
Si tout est “pris en charge”, que reste-t-il du geste volontaire ? Que reste-t-il de l’engagement personnel dans un travail souvent long, coûteux en énergie, émotionnellement exigeant ? Trop souvent, le “zéro euro” fragilise la dynamique du soin en installant une forme de passivité. Or, la thérapie n’est pas quelque chose que l’on reçoit, c’est quelque chose que l’on co-construit, en payant aussi de sa poche, de son temps, de sa parole.
L’argent dans la thérapie : entre transfert, symbolique et transformation
Parler d’argent en thérapie, c’est aussi parler de tout ce qu’il charrie : valeur de soi, honte, dette, dépendance, pouvoir, autonomie. Refuser de payer ou attendre une prise en charge extérieure peut parfois rejouer des dynamiques profondes, inconscientes, issues de l’enfance ou de l’histoire personnelle.
Le prix de la séance devient alors bien plus qu’un tarif : il devient un miroir, un révélateur, un lieu de travail thérapeutique à part entière. Le cadre, fixé par le thérapeute, mais accepté (et honoré) par le patient, devient un pilier sécurisant, une limite contenant, une preuve que “ça compte”.
Quand la gratuité dévalorise le soin
De nombreuses études en psychologie sociale l’ont montré : ce qui est gratuit est moins investi, moins valorisé, moins transformateur. Offrir une thérapie gratuite, c’est parfois transmettre inconsciemment le message que la souffrance du patient ne vaut pas grand-chose — ou que le temps du thérapeute est sans prix. Dans les deux cas, c’est une perte.
Le paiement est un contrat moral : il dit la reconnaissance du travail engagé de part et d’autre. Il scelle un espace de responsabilité. Il distingue l’acte thérapeutique de toute autre forme de soutien.
L’implication ne se rembourse pas
Il ne s’agit pas d’exclure, ni de culpabiliser ceux qui bénéficient d’un soutien économique. Il s’agit de rappeler que l’efficacité d’une psychothérapie repose d’abord sur l’implication subjective du patient. Or, cette implication passe aussi — inévitablement — par la façon dont il investit ce suivi, y compris financièrement.
Un thérapeute engagé, c’est un professionnel qui tient un cadre, qui s’investit pleinement dans la relation. Ce cadre ne peut exister durablement sans une réciprocité réelle, incarnée, tangible.
En résumé
Oui, payer sa thérapie peut être difficile. Mais c’est aussi un acte fort. Un acte d’engagement envers soi-même. Un signal que “je prends ce travail au sérieux”. Ce n’est pas une barrière, c’est un passage.
Parce que ce qui soigne, ce n’est pas seulement la parole. Ce qui soigne, c’est la responsabilité partagée, l’effort consenti, l’investissement réciproque.
Et dans un monde où tout peut sembler gratuit, immédiat et impersonnel, payer un psy, c’est affirmer une autre voie : celle du lien humain, du temps long, et de la transformation profonde.
Et si je n’ai pas les moyens de payer ma thérapie ?
Parler de l’importance de payer sa thérapie ne signifie ni exclure, ni culpabiliser. Il est essentiel de reconnaître que certaines personnes traversent des périodes de grande précarité financière et sociale, où chaque dépense est un dilemme. Pour ces situations, l’accès à des soins gratuits ou quasi gratuits est une nécessité absolue.
Mais dans ces cas extrêmes, la prise en charge libérale, même bienveillante, montre rapidement ses limites. Ces patients ont souvent besoin de bien plus qu’un suivi individuel hebdomadaire : un véritable travail d’équipe est nécessaire, en lien avec le médecin, le travailleur social, parfois un éducateur, un psychiatre, et un réseau de soin structuré.
C’est dans les CMP (Centres Médico-Psychologiques), les hôpitaux, et les structures publiques pluridisciplinaires que ces accompagnements peuvent s’organiser. Là où le soin ne se résume pas à une consultation, mais à une prise en charge globale, coordonnée, cohérente, avec des moyens humains, médicaux, sociaux et psychothérapeutiques adaptés.
Et c’est précisément ce qui rend la politique actuelle du dispositif MonPsy problématique.
MonPsy : une fausse bonne solution ?
Pensé comme une réponse à la crise de l’accès aux soins psychiques, MonPsy finance quelques séances chez des psychologues libéraux, dans un cadre balisé et contraint. Mais en réalité, ce dispositif détourne des fonds publics vers le secteur libéral, sans réellement renforcer les moyens des hôpitaux, des CMP ou des équipes spécialisées.
Or, ce sont ces structures publiques, déjà en souffrance, qui accueillent les situations les plus complexes, les plus lourdes, les plus urgentes. Ce sont elles qui tiennent debout, souvent au prix de sacrifices silencieux, tout l’édifice de la santé mentale en France.
Doter MonPsy, c’est appauvrir le reste. C’est injecter l’argent là où il est visible politiquement, mais non là où il est vital cliniquement. Une thérapie libérale de quelques séances ne suffit pas quand la personne n’a ni logement, ni stabilité, ni repère, ni sécurité psychique. Ce qu’il faut, ce sont des équipes, des lieux de soin, des présences plurielles et coordonnées.
Le Centre TCA Lyon propose des accompagnements thérapeutiques rigoureux, éthiques, fondés sur un véritable cadre de travail. Ici, chaque séance est honorée, non comme un produit, mais comme un espace d’engagement réciproque. Parce que votre soin mérite plus qu’un simple remboursement. Il mérite une véritable présence.
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